Michel Drucker parle de son livre dans Voix du Nord
Suite de notre revue de presse : dimanche, Michel Drucker était l'invité du grand quotidien nordiste La Voix du Nord.
Après le succès phénoménal de « Mais qu'est-ce qu'on va faire de toi ? », Michel Drucker publie « Rappelle-moi ». La suite de ses mémoires à travers lesquelles il raconte cette fois à son frère Jean ce qu'ils auraient vécu ensemble si ce celui-ci n'était pas mort prématurément en 2003. Et pas seulement. Dans cette autobiographie, l'animateur livre et se libère de lourds secrets de famille.
- Un demi-million d'exemplaires de votre précédent ouvrage se sont écoulés. Vous attendiez-vous à un tel succès ?
« Non seulement je ne m'y attendais pas mais en plus cela me met la pression pour le nouveau livre ! Je ne m'explique pas ce succès, comme je ne m'explique pas d'être encore à la télévision quarante-six ans après y avoir débuté. Peut-être que beaucoup de gens ont retrouvé l'ado qu'ils étaient dans ce gamin mauvais à l'école, et dont les parents se demandaient ce qu'ils allaient bien pouvoir faire... De la même manière que beaucoup de celles et ceux qui ont perdu un frère, une sœur, un proche, se retrouveront, je pense, dans Rappelle-moi. »
- Car ce nouveau livre parle d'abord de Jean, votre frère aîné...
« Ce livre est une suite logique du précédent. Mais je l'ai voulu comme un livre à la mémoire de Jean. Il en est le fil rouge. Parce que je ne veux pas qu'on l'oublie. La mort c'est l'oubli, et être oublié c'est mourir... surtout dans notre métier. Ce livre, c'est une façon de continuer à parler ensemble, de reprendre la conversation là où on l'avait laissé. Quand Jean est mort, j'allais lui proposer d'ouvrir un cabinet de conseil en audiovisuel. Cela se serait appelé Drucker & Drucker. J'allais lui proposé de guérir de son inaptitude au bonheur. Maintenant je continue seul et cela me donne encore plus de responsabilités. »
- Sur la forme, ce roman est semblable au précédent. Sur le fond, il apparaît beaucoup plus grave, plus personnel...
« Parce que j'ai pris cinq ans depuis l'écriture du précédent et sept depuis la mort de mon frère. Et parce que c'est aussi le livre de quelqu'un qui a mon âge (68 ans), celui d'un homme de plusieurs générations. Les téléspectateurs qui regardaient Les Rendez-vous du dimanche sont devenus des grands-parents, leurs enfants qui regardaient Champs-Elysées des parents, et leurs petits-enfants connaissent Vivement dimanche. Ce livre, c'est celui d'un homme d'une génération de gens du passé mais pas dépassés. »
- Ces gens, ce sont Delon, Belmondo, Hallyday, ces stars qui, arrivées dans la dernière ligne droite se reconnaissent et en qui vous avez trouvé des frères...
« Oui, on entretient des rapports de fraternité. On est de vieux copains. Vous imaginez ce qu'on a vécu depuis plus de quarante ans ? On est dix tout au plus, télé, musique et ciné confondus, à être là depuis tant d'années. Et on est que trois ou quatre dans ce cas, à la télé, à avoir plus de 60 ans et être là depuis si longtemps. Il y a Denisot et Foucault. On est tous une espèce en voie de disparition ! Qui, aujourd'hui, va faire une carrière de cinquante ans ? Quelqu'un qui comme Nagui ou Ruquier sont là depuis 15 à 20 c'est déjà énorme. 15 à 20 ans de télé, aujourd'hui, c'est déjà une carrière. »
- Quel rapport entretenez-vous avec la fin, la mort ?
« J'ai un rapport très compliqué avec la mort depuis la disparition de mon frère. Mais ce qui me fait le plus peur, c'est vraiment l'oubli. Il y a aussi la retraite. L'oubli et la retraite sont les deux antichambres de la mort pour des hommes de télé. »
- Dans votre livre, vous évoquez le dernier Tour de France de Lance Armstrong et sa « sortie par la petite porte » ? Est-ce que vous l'appréhendez pour vous-même ?
« Le succès de mon précédent livre me rassure. Mes projets à la radio à la télé aussi. Mais ce n'est pas une sortie par la petite porte qui me fait peur. C'est la sortie tout court. Ça peut arriver, alors j'y pense. Même si je suis plus sûr de moi aujourd'hui. Ce qui n'était pas gagné : je suis hypocondriaque. C'est mon père qui a fait de mes frères et de moi des anxieux. »
- Ce qui vous rassure et vous fait durer, ne serait-ce pas d'avoir des projets pour 100 ans comme vous le dites dans votre livre à propos de Charles Aznavour ?
« Si. C'est vrai que je fais une émission de radio actuellement sur Europe 1. J'ai le projet de la transposer à la télé. Et puis il y a le retour de Champs-Elysées. Tiens, le retour de Champs-Elysées: je peux vous dire qu'il y a quinze ans, c'était quelque chose d'impensable ! »
- Il y aussi le projet de faire un téléfilm de votre précédent ouvrage « Mais qu'est-ce qu'on va faire de toi ? » Où en est-on ?
« Le scénario vient d'être adapté. Le tournage va débuter en 2011. »
- Avez-vous déjà une idée de l'acteur qui pourra incarner votre rôle ?
« Non, mais il faudra que ce soit quelqu'un d'inconnu. »
- Vous écrivez : « l'adolescent de plus de 67 ans que je suis n'est pas revenu de son enfance. Elle me poursuivra toujours ». Que reste-t-il aujourd'hui du petit Michou chez Michel ?
« Il reste l'anxiété, l'ambition constante de bien faire. Ce qui reste aussi, c'est une inquiétude, l'inquiétude de savoir où sont les miens, s'ils sont bien là où ils sont, s'ils sont contents. »
- Finalement, au regard de votre succès et notamment du succès de votre précédent livre, vos parents doivent être fiers de vous...
« Pour un homme des médias, une réussite à l'écrit, ça reste une Légion d'honneur. Parce qu'un succès de librairie n'est jamais évident. Cela ne va pas de soi. Un bon audimat n'est pas forcément un succès de librairie. Ce serait bien... »
- Votre père justement est lié à l'événement le plus marquant de ces dernières années...
« Oui, je suis retourné à Compiègne là où j'avais fait mon service militaire et où avait été interné mon père en 1942 avant d'être déporté vers Drancy. Ce retour a été pour moi très impressionnant. »
- Autre moment déterminant : vous avez découvert l'existence d'un demi-frère, fils de votre père, le jour de l'enterrement de Jean...
« C'est une coïncidence incroyable. En en parlant dans le livre, je voulais qu'il sache que je le reconnaissais comme mon frère. C'est pour lui que j'ai parlé publiquement de cette histoire et parce que dans cette aventure-là, des dizaines et des dizaines de milliers d'hommes et de femmes vont se reconnaître : tout le monde a des secrets de famille. »
« Rappelle-moi », éditions Robert Laffont, 336 pages, 21 euros.