Polémique (suite) : Renaud Revel défend Michel Drucker
Les déclaration de Marine Le Pen, s’indignant que Michel Drucker ne l’invite pas à s’asseoir sur son divan de Vivement Dimanche, sur France 2, ont quelque chose d’indignes. Tout comme les réactions d’un certain nombre de confrères, dont Gérard Carreyrou, qui depuis quelques heures viennent au secours de la fille de Jean-Marie Le Pen, au nom d’une fantasmatique obligation de service public, qui imposerait à l’animateur de France 2 de recevoir l’intéressée.
Indépendamment du fait qu’aucune règle oblige Michel Drucker à inviter expressément Marine Le Pen, -l’équilibre du temps de parole du personnel politique par le CSA faisant l’objet de calculs globaux appliqués à l’ensemble des rendez-vous de France Télévisions et non d’études au cas par cas-, il faut en effet faire preuve d’un bien grand cynisme et feindre de méconnaître le destin pour le moins bouleversant des Drucker, pour réagir de la sorte. Un destin que Michel, l’un des fils, retrace avec émotion dans son dernier livre, Rappelle moi, publié chez Robert Laffont.
En quelques pages bouleversantes, l’animateur et journaliste y raconte comment à l’age de 22 ans, convoqué pour son service militaire, il fut envoyé à Compiègne et logé dans le baraquement où fut interné, durant l’Occupation, son père Abraham.
Tout est dit en quelques mots simples : l’insoutenable télescopage de l’histoire et ces journées passées sur le lieu même où un père juif, chassé par les Nazis, côtoya la mort. On peut du coup aisément pardonner à Michel Drucker de ne pas vouloir donner suite à demande d’une responsable politique de premier plan, à la droite de la droite, qui n’a jamais cru bon contester, même du bout des lèvres, les propos infâmes d’un père, Jean-Marie Le Pen, sur la Shoa. Inutile ici de refaire l’historique des petites phrases de l’intéressé.
Tel père, telle fille? Si Michel Drucker n’entend pas faire de distinction, au nom d’un mimétisme idéologique que Marine Le Pen parvient souvent à gommer sur les plateaux de télés, en polissant son image qu’elle arrondit et ripoline à souhait, évitant, prudemment, de tomber dans les errements de son patriarche, c’est son droit le plus strict.
Anne Sinclair, en son temps, quand elle présentait « 7 sur 7 », refusa pour les mêmes raisons, l’accès de son plateau au leader du Front National, qui trouva alors refuge sur bien d’autres antennes. A L’époque le paysage télé affichait un visage rabougri, aujourd’hui les chaînes se comptent par dizaines.
N’étant pas aux commandes d’un magazine d’informations proprement dit, mais d’une émission de divertissement, Michel Drucker a tout loisir de choisir ainsi ses invités : une fois dehors, libre à eux d’aller frapper à d’autres portes, si bon leur semble, beaucoup se feront une joie de les accueillir.
Bref, que Michel Drucker bannisse de Vivement Dimanche Marine le Pen, au nom du souvenir, au nom du refus d’une forme à peine déguisée de banalisation des extrêmes, n’a absolument rien, à mes yeux, de choquant. Oui, au nom d’un père, Michel Drucker a bien fait.